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Le président américain Donald Trump a promulgué lundi une loi criminalisant le partage sans consentement d'images pornographiques réelles ou créées par l'intelligence artificielle, notamment à des fins de vengeance ("revenge porn"), un phénomène en pleine croissance.
Ce texte nommé "Take It Down Act", soutenu par la Première dame Melania Trump, avait été précédemment adopté par le Sénat américain et la Chambre des représentants, où il avait recueilli un large soutien des deux partis.
"Il s'agira de la toute première loi fédérale visant à lutter contre la diffusion d'images explicites et fictives sans le consentement de la personne", s'est félicité le président républicain.
"Quiconque diffusera intentionnellement des images explicites sans le consentement d'une personne encourra jusqu'à trois ans de prison", a-t-il détaillé, évoquant également des "responsabilités civiles" pour les réseaux sociaux qui hébergent ces images mais "refusent de retirer ces images rapidement".
La diffusion non consentie d'images à caractère sexuel, parfois créées grâce au concours de l'intelligence artificielle (IA) est un phénomène qui touche majoritairement les jeunes filles et femmes - dont certaines célébrités comme la chanteuse Taylor Swift ou l'élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez.
Avec la popularisation des outils d'IA, la fabrication de ces montages photo ou vidéo hyperréalistes s'est simplifié et a ouvert la voie à leur utilisation massive à des fins de harcèlement ou d'humiliation, prenant de cours les législateurs du monde entier.
- "Honte" -
"Cette législation constitue une étape décisive dans nos efforts pour garantir que chaque Américain, en particulier les jeunes, puisse se sentir mieux protégé contre les atteintes à leur image ou à leur identité par le biais d'images non consenties", a salué Melania Trump aux côtés de son époux, lors d'une rare apparition publique.
La Première dame, mobilisée sur ce dossier, avait pour l'occasion invité à la Maison Blanche plusieurs jeunes filles victimes de telles pratiques.
Parmi elles, une adolescente texane qui avait découvert fin 2023 des montages hyperréalistes (deepfakes) à caractère sexuel d'elle et de plusieurs de ses camarades, fabriqués sans leur consentement par un élève de son collège puis partagés sur le réseau Snapchat.
"Les filles ne faisaient que pleurer, et pleurer à ne plus en finir, elles avaient honte", avait à l'époque confié à l'AFP sa mère, Anna Berry McAdams, qui s'inquiétait que ces images ne resurgissent dans le futur.
"Cela pourrait les affecter toute leur vie", alertait-elle, pointant du doigt l'impuissance des victimes à agir et faire défendre leurs droits.
- Risque de "censure" -
Seuls quelques Etats américains, dont la Californie et la Floride, disposaient jusqu'à présent de lois criminalisant la fabrication et la publication de fausses images à caractère sexuel.
Cette loi fédérale représente donc un "pas significatif" dans la lutte contre ce phénomène, estime auprès de l'AFP Renée Cummings, criminologue et chercheuse en intelligence artificielle à l'Université de Virginie.
"Mais son efficacité dépendra de sa mise en oeuvre rapide et fiable, de sanctions sévères à l'égard des auteurs de ces actes et de son adaptabilité en temps réel face aux menaces numériques émergentes", a-t-elle insisté.
Et de prévenir: "nous devons veiller à ce que les mesures législatives protègent la société et punissent les auteurs, sans pour autant éroder par inadvertance le cryptage ou étouffer l'expression légitime" sur Internet.
Un risque pointé par plusieurs associations de défense des libertés publiques, qui ont se sont inquiétées d'un risque de censure.
"Si la protection des victimes face à ces invasions odieuses de l'intimité est un but légitime, les bonnes intentions seules ne suffisent pas à faire une bonne loi", a ainsi estimé l'Electronic Frontier Foundation, dénonçant des "définitions vagues et le manque de garde-fous" qui pourraient mener à la censure.
D.Peng--ThChM