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En pleine rencontre avec le président sud-africain à la Maison Blanche mercredi, Donald Trump a interrompu la session de questions-réponses d'un "éteignez les lumières" pour diffuser devant un Cyril Ramaphosa un montage vidéo censé prouver ses accusations de "génocide" à l'encontre de fermiers blancs.
La présentation faite par le président américain, à l'aide de ces vidéos puis d'articles brandis sous le nez de son interlocuteur, comportait de nombreuses erreurs démêlées par l'AFP.
. Les croix ne sont pas des tombes
Un extrait de la vidéo montre des véhicules arrêtés le long d'une route bordée de croix blanches plantées dans le sol.
"Vous avez vu toutes ces tombes", lance quelques instants plus tard Donald Trump. "Ce sont des proches allant, j'imagine, un dimanche matin se recueillir devant les leurs qui ont été tués."
La séquence diffusée correspond en fait à une manifestation de 2020 près de Newcastle dans l'est de l'Afrique du Sud après le meurtre d'un couple d'agriculteurs, selon des vidéos et articles de presse de l'époque. Ces croix avaient été érigées de façon symbolique et les manifestants avaient défilé à bord de leurs véhicules. Les meurtriers du couple ont été condamnés à perpétuité.
. L'homme politique montré n'est pas au pouvoir
Sur une autre scène du montage apparaît un homme politique lançant cet appel : "On est des Sud-Africains, on occupe des terres."
"Les gens que vous avez vus dans ce film, ce sont des dirigeants", assure Donald Trump. En réalité, l'auteur de ce discours est Julius Malema, le leader du parti de gauche radicale EFF. Sa formation a réalisé 9,5% aux élections de l'an passé et ne fait pas partie de la coalition au pouvoir. Il n'était pas davantage au précédent gouvernement.
. "Kill the Boer" est un chant de la lutte anti-apartheid
Dans sa tenue rouge habituelle, Julius Malema, connu pour ses positions pro-russes, a entonné "Kill the Boer", un chant hérité de la lutte anti-apartheid, l'ex-régime de la minorité blanche.
Le chant est décrié en Afrique du Sud et son interdiction a été demandée par le deuxième plus grand parti sud-africain, l'Alliance démocratique qui gouverne depuis 2024 en coalition avec l'ANC, le parti de Nelson Mandela.
En 2010, un tribunal l'avait d'ailleurs interdit avant que d'autres juges n'invitent à le considérer, non pas comme une incitation à la haine mais comme un morceau d'histoire de la lutte contre la ségrégation raciale. En 2024, la plus haute cour du pays, saisie par le groupe identitaire afrikaner Afriforum, a confirmé cette décision.
. Une image brandie par Trump provient de RDC
Après la vidéo, le président américain a brandi des dossiers contenant selon lui des articles sur des meurtres de fermiers.
L'un d'eux est issu du site "American Thinker", un blog à l'audience modeste et reproduit une image de personnes en uniformes de la Croix-Rouge manipulant des sacs mortuaires.
"Tout ça, ce sont des fermiers blancs en train d'être enterrés", a assuré Donald Trump.
L'image est en fait une capture d'écran d'une vidéo YouTube datant de février et tournée en République démocratique du Congo (RDC) dans la ville congolaise de Goma, selon la légende de la vidéo. Elle montre des restes de femmes victimes d'exactions dans le contexte de la guerre dans l'est du pays et a été publiée par le média WION, qui a utilisé des images de l'agence Reuters.
. Un "grand nombre" de fermiers blancs n'est pas tué
"Ces gens sont tués en grand nombre", a insisté le président américain. Il a aussi rabroué un journaliste lui posant une question sur le Boeing offert par le Qatar: "C'est de ça que cet idiot me parle après avoir vu une vidéo où des milliers de personnes sont mortes ?"
Les meurtres de fermiers blancs représentent une infime proportion des homicides en Afrique du Sud, pays qui affiche l'un des taux d'homicide les plus élevés de la planète. Le groupe identitaire afrikaner AfriForum, à l'origine d'une campagne pour mettre en lumière le phénomène, avait recensé 49 meurtres de fermiers blancs en 2023. A comparer avec les 27.621 homicides recensés entre avril 2023 et mars 2024 dans les statistiques policières officielles.
B.Carter--ThChM