The China Mail - Recyclage des navires: des règles, des morts et des déchets

USD -
AED 3.67251
AFN 69.999932
ALL 84.750051
AMD 384.280033
ANG 1.789623
AOA 915.999835
ARS 1162.551601
AUD 1.537775
AWG 1.8
AZN 1.698999
BAM 1.68999
BBD 2.018345
BDT 122.251649
BGN 1.7003
BHD 0.377075
BIF 2941
BMD 1
BND 1.280497
BOB 6.932605
BRL 5.494399
BSD 0.999581
BTN 86.165465
BWP 13.364037
BYN 3.271364
BYR 19600
BZD 2.007889
CAD 1.36607
CDF 2876.999872
CHF 0.816595
CLF 0.024639
CLP 945.519842
CNY 7.184981
CNH 7.188815
COP 4099
CRC 503.419642
CUC 1
CUP 26.5
CVE 95.374976
CZK 21.574968
DJF 177.720247
DKK 6.483435
DOP 59.350466
DZD 129.924152
EGP 50.159699
ERN 15
ETB 134.798755
EUR 0.86929
FJD 2.24675
FKP 0.735417
GBP 0.74314
GEL 2.720286
GGP 0.735417
GHS 10.310063
GIP 0.735417
GMD 71.494858
GNF 8656.00032
GTQ 7.677452
GYD 209.05827
HKD 7.84985
HNL 26.149829
HRK 6.549702
HTG 130.823436
HUF 351.105959
IDR 16327.15
ILS 3.503097
IMP 0.735417
INR 86.291203
IQD 1310
IRR 42124.999752
ISK 124.839966
JEP 0.735417
JMD 159.096506
JOD 0.708982
JPY 145.025976
KES 129.249629
KGS 87.450215
KHR 4019.999918
KMF 428.999713
KPW 900.005137
KRW 1371.61982
KWD 0.30628
KYD 0.833071
KZT 518.62765
LAK 21575.000117
LBP 89576.901335
LKR 300.634675
LRD 199.650054
LSL 18.020172
LTL 2.95274
LVL 0.60489
LYD 5.425011
MAD 9.125009
MDL 17.073582
MGA 4424.999875
MKD 53.48442
MMK 2098.952839
MNT 3582.467491
MOP 8.082384
MRU 39.720202
MUR 45.690209
MVR 15.405037
MWK 1735.999808
MXN 18.98166
MYR 4.246499
MZN 63.949902
NAD 18.019625
NGN 1543.710092
NIO 36.749892
NOK 9.92285
NPR 137.864917
NZD 1.657455
OMR 0.384497
PAB 0.999581
PEN 3.6125
PGK 4.12125
PHP 56.946506
PKR 283.275029
PLN 3.71645
PYG 7985.068501
QAR 3.6405
RON 4.3742
RSD 101.920983
RUB 78.498677
RWF 1425
SAR 3.751885
SBD 8.354365
SCR 14.601035
SDG 600.503721
SEK 9.529645
SGD 1.284255
SHP 0.785843
SLE 22.474986
SLL 20969.503664
SOS 571.529432
SRD 38.850051
STD 20697.981008
SVC 8.746333
SYP 13001.896779
SZL 18.019953
THB 32.598024
TJS 9.901191
TMT 3.5
TND 2.942504
TOP 2.342103
TRY 39.537202
TTD 6.786574
TWD 29.529503
TZS 2605.000338
UAH 41.534467
UGX 3593.756076
UYU 41.070618
UZS 12710.000189
VES 102.029305
VND 26087.5
VUV 119.91429
WST 2.751779
XAF 566.806793
XAG 0.026819
XAU 0.000295
XCD 2.70255
XDR 0.70726
XOF 567.502199
XPF 104.37502
YER 242.701322
ZAR 17.960601
ZMK 9001.192558
ZMW 24.335406
ZWL 321.999592
  • AEX

    -0.1800

    920.4

    -0.02%

  • BEL20

    -17.7600

    4421

    -0.4%

  • PX1

    7.6800

    7691.37

    +0.1%

  • ISEQ

    -19.2800

    11320.3

    -0.17%

  • OSEBX

    1.9600

    1638.66

    +0.12%

  • PSI20

    -53.6200

    7393.77

    -0.72%

  • ENTEC

    -5.8300

    1416.23

    -0.41%

  • BIOTK

    -52.1200

    2477.99

    -2.06%

  • N150

    -9.7000

    3583.13

    -0.27%

Recyclage des navires: des règles, des morts et des déchets
Recyclage des navires: des règles, des morts et des déchets / Photo: © AFP/Archives

Recyclage des navires: des règles, des morts et des déchets

Mizan Hossain découpait une pièce en métal sur le pont supérieur d'un bateau sur la plage de Chittagong quand les vibrations l'ont déséquilibré, l'entraînant dans une chute de dix mètres.

Taille du texte:

C'était en novembre sur un chantier de démolition non conforme aux normes internationales, comme la plupart des sites de démantèlement de navires au Bangladesh où la majorité finissent leur parcours.

Tombé sans harnais, Mizan Hossain, 31 ans, a eu le dos broyé. "Je ne peux pas me lever le matin", raconte-t-il assis devant la modeste maison où il vit avec sa femme, ses trois enfants et ses parents.

Celui qui avait commencé gamin à découper des pans de bateaux sans protection ni assurance ne peut plus subvenir aux besoins des siens ni se soigner. "Pour être honnête, on mange un repas sur deux et je ne vois pas d'issue à ma situation", confie-t-il.

Depuis son village, en retrait de la plage au nord de Chittagong, les grues géantes des chantiers se dessinent à l'horizon. Ici, beaucoup d'hommes travaillent dans le secteur et partagent le même destin: peu avant la rencontre avec l'AFP en février, un des voisins de Mizan Hossain a eu les doigts de pied écrasés sur un autre chantier.

A Chittagong, ville portuaire du sud du Bangladesh, le secteur de la démolition et du recyclage des navires fait travailler 20.000 à 30.000 personnes, en comptant les emplois indirects. Au prix de trop nombreux dégâts humains et environnementaux.

Pour réguler cette industrie, l'une des plus dangereuses et polluantes, la convention internationale de Hong Kong sur le démantèlement des bateaux doit entrer en vigueur le 26 juin.

Les règles strictes qu'elle doit imposer sur la protection des ouvriers et le traitement des déchets toxiques suffiront-elles pour changer la donne ?

Les armateurs occidentaux ne risquent-ils pas d'en profiter pour envoyer leurs rebuts en Asie du Sud avec bonne conscience ? La majorité de leurs bateaux sont basés en Asie, centre névralgique du commerce maritime mondial.

- Sur le sable -

Ces dernières années, sur plus de 100.000 navires en circulation, environ 500 sont partis annuellement à la casse, certains vieux de plus de 80 ans.

Près d'un tiers des 409 démantelés dans le monde en 2024 ont fini à Chittagong, d'après la coalition d'ONG Shipbreaking Platform. Les autres ont en majorité terminé en Inde, au Pakistan, en Turquie.

Les chantiers bangladais offrent le meilleur prix pour le rachat des bateaux en fin de vie en raison d'un coût du travail dérisoire (salaire minimum mensuel de 115 euros).

Le long de la plage de 25 km, des carcasses géantes de pétroliers ou de méthaniers sont alignées dans la vase, sous un soleil de plomb, minutieusement démontées par des ouvriers au chalumeau-coupeur.

Dans les années 2000, "quand j'ai commencé, c'était extrêmement dangereux, les accidents étaient courants, les morts et les blessés réguliers", se rappelle Mohammad Ali, leader syndical, qui a longtemps œuvré sans protection à démembrer des blocs de bateaux qui s'écroulaient sur le sable.

Lui-même a été frappé à la tête par un morceau de métal, laissé des mois en incapacité. "Quand il y a un accident, vous êtes soit mort, soit handicapé", affirme l'homme de 48 ans.

Depuis 2009, au Bangladesh, en Inde et au Pakistan, 470 ouvriers sont morts, 512 gravement blessés sur de tels chantiers, selon Shipbreaking Platform.

Récemment, notamment depuis la ratification par Dacca de la convention de Hong Kong en 2023, il y a eu un mieux, relève Mohamed Ali Sahin, fondateur d'un centre d'assistance aux ouvriers du secteur.

Entre 2018 et 2022, il a recensé entre 10 et 20 morts par an à Chittagong, avec un pic à 22 en 2019. En 2023, cinq ouvriers sont morts dans des accidents du travail, sept en 2024, d'après son décompte - les autorités ne communiquent pas de bilans officiels.

"Je rencontre des ouvriers tous les jours et ils me disent que la sécurité s'est améliorée", dit-il.

Mais des progrès restent à faire tant dans ce domaine que dans l'environnement, admet-il.

Cette industrie est accusée d'avoir provoqué d'importants dégâts au Bangladesh, notamment sur la mangrove, avec le rejet en mer directement depuis la plage de boules d'hydrocarbures et le déversement dans des décharges à ciel ouvert d'amiante, matériau couramment utilisé dans les salles des machines.

D'après une étude parue en 2024 dans le Journal of Hazardous Materials, le démantèlement des bateaux est responsable de niveaux de pollution aux métalloïdes (silicium, arsenic...) anormalement élevés dans les sols, le riz et les légumes de la région.

- Millions d'euros -

Concrètement, les nouvelles règles prévoient de former les ouvriers, de les équiper (casques, harnais, combinaisons) et imposent un protocole précis pour la décontamination des navires (amiante, gaz, eau de cale contaminée...). Chaque chantier doit posséder des infrastructures pour stocker les déchets dangereux.

A Chittagong, sur une trentaine de chantiers en activité, seuls sept répondent aux nouveaux critères.

Parmi eux, PHP, le plus moderne avec ses quelque 250 ouvriers.

Son patron, Mohammed Zahirul Islam, accueille avec bonhomie sur le site où l'odeur de métal brûlé contraste avec les parterres de fleurs.

Un méthanier japonais de 8.000 tonnes, le Surya Aki, y est démantelé, la proue reposant sur une plateforme de cale fixe et sèche en béton coulé au bord du rivage, surplombée de grues modernes.

Des ouvriers casqués découpent la ferraille au chalumeau, une visière en plastique sur le visage qui les protège des éclats de métal - mais pas d'en respirer les fibres.

Les critiques des ONG sur les conditions de travail et la pollution au Bangladesh agacent Mohammed Zahirul Islam: "Simplement parce que nous sommes d'Asie du Sud, avec la peau foncée, nous ne sommes pas capables d'exceller dans un domaine ?"

"Les bateaux sont fabriqués dans les pays développés (...) Ensuite, ils sont utilisés par les Européens, les Occidentaux pendant 20 ou 30 ans et nous on les récupère (à la fin) pour quatre mois. Mais tout est de notre faute ! Il devrait y avoir une responsabilité partagée", s'indigne le volubile quarantenaire.

Mettre un chantier aux normes coûte des millions d'euros - près de neuf pour moderniser PHP.

Mais les investisseurs nationaux et étrangers sont frileux, relève John Alonso de l'Organisation maritime internationale (OMI).

Le secteur est en crise, avec deux fois moins de bateaux envoyés à la casse qu'avant le Covid, et le pays en proie à l'instabilité depuis que l'ex-Première ministre Sheikh Hasina a été chassée du pouvoir par des manifestations en août.

- Amiante solidifiée -

En attendant, à Chittagong, il n'y a toujours pas d'usine de traitement et de stockage des matières dangereuses présentes dans les bateaux (amiante, plomb, gaz, hydrocarbures).

A PHP, l'amiante est retirée puis stockée sur place. Liton Mamudzer, expert en matières dangereuses pour le chantier, montre les cartons d'amiante solidifiée avec du ciment entreposés dans une salle dédiée. "Je pense qu'on a à peu près six à sept ans de capacité de stockage devant nous", anticipe-t-il grossièrement.

Une affirmation qui laisse sceptiques des ONG spécialisées comme Shipbreaking Platform ou Robin des Bois: certains bateaux contiennent des dizaines de tonnes d'amiante à bord.

Quand aux contrôles laissés à la charge des autorités de chaque pays et au maintien des standards une fois la certification obtenue, ils sont questionnés par Walton Pantland de la confédération de syndicats IndustriALL.

En septembre, un accident sur le chantier SN Corporation, pourtant déclaré conforme à la convention de Hong Kong, a coûté la vie à six ouvriers qui découpaient de la tuyauterie avec des chalumeaux à oxygène. Comme souvent la présence de gaz a provoqué une explosion.

C'est symptomatique du "manque de réglementations internationales et nationales adéquates, de supervision et de protection des travailleurs" au Bangladesh malgré la convention de Hong Kong, a alors réagi Shipbreaking Platform.

- A bon prix -

Pour la directrice de cette ONG, Ingvild Jenssen, "la convention de l'OMI est une tentative de plusieurs armateurs de se débarrasser de la convention de Bâle" qui interdit aux Etats membres de l'OCDE d'exporter leurs déchets toxiques vers les pays en développement.

Il s'agit, d'après elle, de leur permettre de se défaire de leurs navires toxiques à bon prix dans des chantiers d'Asie du Sud sans craindre de poursuites, en utilisant si nécessaire un pavillon de complaisance ou un intermédiaire.

En Europe, les chantiers doivent être certifiés selon les règles de la Ship Recycling Regulation (SRR), plus contraignante que la convention de Hong Kong. Les armateurs ont l'obligation d'y faire dépecer les bateaux basés sur le continent ou battant pavillon européen.

En bordure du canal de Gand-Terneuzen en Belgique, le directeur de la démolition navale du chantier Galloo, Peter Wyntin, balaye du regard son site surplombé de montagnes de ferraille.

Un ancien patrouilleur de la marine irlandaise s'y fait désosser en ce début mai. Ici, tout est mécanisé, avec système d'égout et tri des déchets. Seuls cinq à six ouvriers travaillent à la démolition des bateaux, avec casque, visière et masque pour filtrer l'air empli de particules de métal. Une éolienne fournit l'électricité.

Galloo a investi une dizaine de millions d'euros juste pour le traitement des eaux, à base de charbon actif et de bactéries biologiques, au gré du relèvement des normes année après année.

"Nous, si on a un mort, on a l'inspection du travail qui débarque aussitôt et on est bons pour mettre la clef sous la porte."

- "25.000 pages" -

Peter Wyntin voit d'un mauvais œil l'entrée en vigueur de la convention de Hong Kong alors que les chantiers de démolition européens (6% du total en 2024) peinent à survivre.

Déjà, la certification de chantiers turcs, à Aliaga, a fait perdre une part conséquente de son activité aux entreprises de l'UE.

"Le document, pour être conforme à la SRR pour les pays tiers, il doit faire 25 pages, pas plus. Nous, en tant que chantier agréé dans l'UE, on a peut-être 25.000 pages de législation" à respecter, critique-t-il.

"On peut agréer des chantiers en Turquie, en Asie, mais ça reste toujours du +beaching+. Et le +beaching+, c'est une activité qu'on n'accepterait jamais ici en Europe", peste-t-il. Le "beaching" désigne une technique utilisée par les chantiers d'Asie du Sud pour démonter les navires à même la plage.

En avril, le chantier Galloo a ainsi vu rafler par un chantier turc un ferry de 13.000 tonnes, le Moby Drea basé à Gènes en Italie, qu'il convoitait pour le recycler.

"Les chantiers approuvés par l'UE en Turquie aspirent pour des raisons économiques beaucoup de navires battant un pavillon européen", confirme Jacky Bonnemains, fondateur de Robin des bois.

- Décharges sauvages -

Et pourtant. L'Observatoire de la santé et de la sécurité au travail turc a recensé huit décès depuis 2020 dans les chantiers d'Aliaga, spécialisés dans le démantèlement des bateaux de croisière.

En mai, la municipalité d'Aliaga a dit constater que "les déchets dangereux étaient stockés d'une manière nocive pour l'environnement et que, dans certaines zones, ils étaient recouverts de terre".

"On estime que 15.000 tonnes de déchets dangereux sont dispersées dans la région d'une manière qui met en danger la santé humaine et environnementale en raison de méthodes de stockage sauvages", a-t-elle posté sur son compte X avec des photos de décharges sauvages.

Au Bangladesh, "des matières toxiques provenant des navires, dont de l'amiante, sont (...) dans certains cas revendues sur le marché de l'occasion", relevaient dans un rapport de 2023 Shipbreaking Platform et Human Rights Watch.

Sur la route qui longe la plage de Chittagong, tout se recycle. Les magasins débordent de mobilier, toilettes, générateurs, escaliers... directement tirés des carcasses démantelées à quelques mètres de là.

Pendant ce temps, Rekha Akter, 24 ans et deux petits orphelins, pleure son mari mort les voies respiratoires brûlées dans l'explosion de septembre sur le chantier de SN Corporation où il était responsable de la sécurité.

I.Ko--ThChM