The China Mail - En Irak, le crépuscule du Tigre

USD -
AED 3.672504
AFN 68.211665
ALL 83.532896
AMD 383.502854
ANG 1.789699
AOA 917.000367
ARS 1324.570877
AUD 1.532567
AWG 1.8025
AZN 1.70397
BAM 1.678726
BBD 2.016566
BDT 121.342432
BGN 1.678755
BHD 0.374147
BIF 2978.069611
BMD 1
BND 1.283464
BOB 6.900991
BRL 5.431804
BSD 0.998755
BTN 87.452899
BWP 13.43805
BYN 3.297455
BYR 19600
BZD 2.00618
CAD 1.37545
CDF 2890.000362
CHF 0.809575
CLF 0.024733
CLP 970.26737
CNY 7.181504
CNH 7.189125
COP 4044.890777
CRC 506.072701
CUC 1
CUP 26.5
CVE 94.644007
CZK 20.983604
DJF 177.846444
DKK 6.411504
DOP 60.99309
DZD 128.915497
EGP 48.172181
ERN 15
ETB 138.586069
EUR 0.858504
FJD 2.252304
FKP 0.743884
GBP 0.744574
GEL 2.703861
GGP 0.743884
GHS 10.536887
GIP 0.743884
GMD 72.503851
GNF 8660.572508
GTQ 7.66319
GYD 208.952405
HKD 7.84995
HNL 26.151667
HRK 6.47204
HTG 130.681087
HUF 339.580388
IDR 16256.1
ILS 3.430695
IMP 0.743884
INR 87.72425
IQD 1308.355865
IRR 42125.000352
ISK 122.830386
JEP 0.743884
JMD 159.9073
JOD 0.70904
JPY 147.641504
KES 128.990172
KGS 87.450384
KHR 4000.686666
KMF 422.150384
KPW 900.008192
KRW 1388.770383
KWD 0.30553
KYD 0.832325
KZT 539.727909
LAK 21608.514656
LBP 89486.545642
LKR 300.373375
LRD 200.248916
LSL 17.702931
LTL 2.95274
LVL 0.60489
LYD 5.415218
MAD 9.044505
MDL 16.768379
MGA 4407.536157
MKD 52.817476
MMK 2099.254958
MNT 3587.23202
MOP 8.075018
MRU 39.838634
MUR 45.410378
MVR 15.403739
MWK 1731.857002
MXN 18.579904
MYR 4.240377
MZN 63.960377
NAD 17.702931
NGN 1532.290377
NIO 36.753787
NOK 10.282604
NPR 139.924467
NZD 1.676587
OMR 0.381572
PAB 0.998755
PEN 3.535041
PGK 4.212695
PHP 56.750375
PKR 283.390756
PLN 3.64774
PYG 7480.36565
QAR 3.650401
RON 4.355304
RSD 100.553624
RUB 79.739067
RWF 1444.659028
SAR 3.752762
SBD 8.217066
SCR 14.720484
SDG 600.503676
SEK 9.578804
SGD 1.285404
SHP 0.785843
SLE 23.103667
SLL 20969.503947
SOS 570.790953
SRD 37.279038
STD 20697.981008
STN 21.02914
SVC 8.738681
SYP 13001.954565
SZL 17.696236
THB 32.325038
TJS 9.328183
TMT 3.51
TND 2.928973
TOP 2.342104
TRY 40.795038
TTD 6.779108
TWD 29.907104
TZS 2481.867731
UAH 41.31445
UGX 3563.795545
UYU 40.075533
UZS 12578.000944
VES 128.74775
VND 26225
VUV 118.521058
WST 2.657279
XAF 563.029055
XAG 0.026074
XAU 0.000294
XCD 2.70255
XCG 1.800009
XDR 0.700227
XOF 563.029055
XPF 102.364705
YER 240.450363
ZAR 17.75662
ZMK 9001.203584
ZMW 23.145788
ZWL 321.999592
  • AEX

    -1.1600

    891.36

    -0.13%

  • BEL20

    22.6100

    4733.91

    +0.48%

  • PX1

    33.9200

    7743

    +0.44%

  • ISEQ

    17.2000

    11482.77

    +0.15%

  • OSEBX

    0.9700

    1622.72

    +0.06%

  • PSI20

    17.8500

    7780.27

    +0.23%

  • ENTEC

    -5.8300

    1416.23

    -0.41%

  • BIOTK

    -32.7800

    3149.81

    -1.03%

  • N150

    8.5100

    3707.25

    +0.23%

En Irak, le crépuscule du Tigre
En Irak, le crépuscule du Tigre / Photo: © AFP/Archives

En Irak, le crépuscule du Tigre

Il a arrosé le jardin d'Eden, irrigué Sumer et abreuvé Babylone. Mais dans l'Irak d'aujourd'hui, le Tigre se meurt.

Taille du texte:

Entre activité humaine et chamboulement climatique, l'agonie du fleuve menace d'emporter la vie qui s'y est implantée il y a des milliers d'années.

Dans ce pays de 42 millions d'habitants, aux sources de la civilisation et de l'agriculture, les désastres naturels ne se comptent plus.

Vient l'été, la saison en enfer des Irakiens qui n'ont que leur peau pour transpirer quand la météo annonce 50 degrés et que l'électricité est coupée pour cause de délestage.

Sécheresses, chute des précipitations, températures en hausse et désertification galopante: l'Irak est devenu l'un des cinq pays au monde les plus exposés aux conséquences du changement climatique, disent les Nations unies.

Et le Tigre ? Il ne rugit plus. En raison du manque de pluie mais aussi des barrages construits en amont, en Turquie, où il prend sa source.

Un vidéaste de l'AFP a arpenté les rivages du fleuve, de la source au nord à la mer au sud, pour rendre compte du désastre qui contraint les habitants à changer leur mode de vie.

- Fichkhabour (nord) : Avec le barrage, "de jour en jour l'eau diminue" -

Le périple irakien du Tigre commence dans les montagnes du Kurdistan au carrefour de l'Irak, de la Syrie et de la Turquie. Ici, on gagne sa vie en cultivant des patates et en élevant des moutons.

A Fichkhabour, "notre vie dépend du Tigre", explique Pibo Hassan Dolmassa, 41 ans, droit dans son sarouel poussiéreux. "Tout notre travail, notre agriculture, en dépend."

Mais "depuis deux ou trois ans", ça ne va plus. "De jour en jour, l'eau diminue", constate-t-il, alors que "avant, l'eau se déversait par torrents".

Les autorités irakiennes et les agriculteurs kurdes accusent la Turquie de retenir l'eau aux barrages construits en amont.

Les statistiques officielles le confirment: le niveau du Tigre, quand il arrive de Turquie, n'est cette année qu'à 35% de la quantité moyenne qui se déversait en Irak au cours des 100 dernières années.

Plus l'eau est retenue, plus son débit se réduit et moins elle se déverse en Irak, le long des 1.500 km que parcourt le Tigre avant de fusionner avec son jumeau, l'Euphrate, pour former le Chatt al-Arab et tomber dans le Golfe.

Le dossier est source de frictions.

Bagdad demande régulièrement à Ankara de libérer plus d'eau. En retour, l'ambassadeur turc en Irak, Ali Riza Güney, appelait en juillet les Irakiens à "utiliser l'eau disponible de manière plus efficace". "L'eau est largement gaspillée en Irak", ajoutait-il dans un tweet.

Les experts eux-mêmes évoquent des méthodes insensées: comme au temps des Sumériens, les cultivateurs irakiens continuent d'inonder leurs champs pour les irriguer, entraînant d'énormes déperditions d'eau.

- Diyala (centre) : "On va être déplacés à cause de l'eau" -

Par endroits, on dirait des flaques d'eau de pluie.

Mais les petites accumulations d'eau dans le lit de la rivière Diyala sont tout ce qu'il reste de ce confluent du Tigre dans le centre de l'Irak, sans qui aucune culture n'est possible dans la province du même nom.

Cette année, à cause de la sécheresse, les autorités ont réduit de moitié les zones cultivées dans tout le pays. Et comme à Diyala il n'y a pas assez d'eau, Diyala ne cultivera pas.

"On va être contraints d'abandonner l'agriculture et de vendre nos bêtes", dit Abou Mehdi, agriculteur de 42 ans, moustache de jais et djellaba blanche.

"On a été déplacés par la guerre" contre l'Iran dans les années 1980 "et maintenant, on va être déplacés à cause de l'eau. Sans eau, nous ne pouvons absolument pas vivre dans ces régions", dit-il.

L'homme a essayé d'en trouver par ses propres moyens. "On a tout vendu, on s'est endettés pour creuser un puits. J'ai creusé un puits de 30 mètres, ça a été un échec."

D'ici 2050, "une hausse de la température d'un degré Celsius et une baisse des précipitations de 10% causeraient une baisse de 20% de l'eau douce disponible" en Irak, prévenait la Banque mondiale fin 2021. Près d'un tiers des terres irriguées n'auront alors pas d'eau.

La rareté de l'eau, les défis posés à l'agriculture durable et à la sécurité alimentaire font partie "des principaux moteurs des migrations rurales vers des zones urbaines" en Irak, avertissaient en juin l'ONU et plusieurs ONG.

A fin mars 2022, plus de 3.300 familles avaient été déplacées par "des facteurs climatiques" dans dix provinces du centre et du sud, selon un rapport publié en août par l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

"La migration climatique est déjà une réalité en Irak", affirmait l'OIM.

- Bagdad : "Dépôts sableux" et déchets dans le lit du fleuve -

Cet été, à Bagdad, le niveau du Tigre a été si bas que l'AFP a filmé des jeunes jouant au volley-ball au milieu du fleuve. L'eau leur arrivait à peine à la taille.

C'est la faute aux "dépôts sableux", explique le ministère des Ressources hydriques.

N'étant plus charriés vers le sud faute de débit, ces dépôts se sont accumulés au fond du Tigre et le fleuve, où les habitants de la capitale déversent leurs eaux usées, a les plus grandes peines à s'écouler.

Il y a encore peu, le gouvernement envoyait des machines pour aspirer le sable qui se dépose sur le lit du fleuve mais, faute de moyens, les pompes tournent maintenant au ralenti.

La prise de conscience des enjeux environnementaux par le gouvernement et la population est "faible" même si "tout Irakien ressent le changement climatique qui se traduit par des températures en hausse, une baisse des précipitations, une baisse des niveaux de l'eau, des tempêtes de poussière", constate la militante écologiste Hajer Hadi.

Avec son ONG Climat vert, la jeune femme arpente écoles et universités pour éveiller les jeunes à l'écologie et aux effets du changement climatique sur leur pays.

Une nécessité, tant le gouvernement irakien, qui doit gérer une crise politique et économique après des années de guerre, est peu présent sur ce terrain.

- Ras al-Bicha (sud): des sols salés, "des palmiers qui ont soif" -

"Vous voyez ces palmiers ? Ils ont soif", lance Molla al-Rached en montrant une dizaine de palmiers. "Ils ont besoin d'eau. Je vais les irriguer verre par verre ? A la bouteille ?" se désespère l'agriculteur de 65 ans.

Idem dans la palmeraie voisine où l'on ne voit plus que des squelettes d'arbres décapités.

"Il n'y a pas d'eau douce, la vie est finie", affirme l'homme, keffieh beige sur le crâne.

Ras al-Bicha se trouve aux confins de l'Irak, de l'Iran et du Koweït, où le Chatt al-Arab, principal chenal du delta commun au Tigre et à l'Euphrate, se jette dans le Golfe.

Avec la baisse du niveau d'eau douce, les eaux de la mer s'engouffrent et remontent dans le Chatt al-Arab.

L'ONU et les agriculteurs pointent du doigt l'impact de la salinisation de l'eau sur les sols et ses répercussions sur l'agriculture et les rendements.

Pour abreuver ses bêtes, Molla al-Rached doit acheter de l'eau douce auprès de camions-citernes.

Même les animaux sauvages, affirme-t-il, s'aventurent jusqu'aux maisons en quête de quelques gouttes.

"Mon gouvernement ne me fournit pas d'eau", dit-il. Mais, poursuit-il, désemparé, "je veux de l'eau, je veux vivre. Je veux planter, comme mes ancêtres."

- Chatt al-Arab (extrême sud): l'eau de mer chasse les poissons d'eau douce -

Inondé par la lumière rosée du crépuscule, pieds nus sur sa barque qu'il pousse à l'aide d'un bâton tel un gondolier vénitien, Naïm Haddad rentre d'une journée de pêche sur le Chatt al-Arab.

Aux abords de Bassora, la métropole du sud, Naïm exhibe un sac rempli de poissons.

"De père en fils, nous consacrons nos vies à la pêche", avance le quadragénaire à la barbe poivre et sel. Le poisson -- le "samatche", comme disent les Irakiens -- est son unique gagne-pain pour faire vivre sa famille de huit personnes. "Pas de salaire du gouvernement, pas d'allocations", dit-il.

Mais la salinisation fait des ravages pour lui aussi. "En été, on a de l'eau salée, l'eau de mer monte et arrive jusqu'ici", explique-t-il.

Début août, le taux de salinité dans le Chatt al-Arab au nord de Bassora était de 6.800 parties par million (ppm), ont annoncé les autorités locales. En principe, l'eau douce ne dépasse pas les 1.000 ppm, selon les normes de l'Institut américain de géophysique, fixant le niveau d'une eau "modérément salée" entre 3.000 et 10.000 ppm.

Conséquence: certaines espèces de poissons d'eau douce très prisées des pêcheurs, comme les carpes, désertent le Chatt al-Arab.

Elles sont remplacées par d'autres espèces évoluant normalement en haute mer.

"Si l'eau (douce, ndlr) diminue, la pêche diminue et notre gagne-pain diminue", déplore M. Haddad.

Il ne peut pas se reconvertir pour pêcher en haute mer, sa barque ne peut affronter les eaux du Golfe. Et surtout, il a assez vu de pêcheurs être interpellés par les Iraniens et les Koweïtiens arguant qu'ils avaient franchi illégalement leurs frontières maritimes.

F.Brown--ThChM