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Le Paraguay a averti vendredi l'Union européenne que le temps n'était pas "infini" pour signer l'accord commercial avec le Mercosur, lors d'une réunion du bloc sud-américain bousculée par le report de la signature de ce texte qui attise la colère des agriculteurs européens.
L'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay, réunis dans la ville brésilienne de Foz do Iguaçu (sud), espéraient initialement y parapher le traité samedi, tout comme la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et la plupart des pays européens.
Mais cette signature a finalement été reportée, face à la grogne des agriculteurs européens, notamment en France et en Italie.
"Nous sommes prêts à aller de l'avant, sachant que l'Europe a ses délais à respecter pour régler les questions institutionnelles internes, mais en même temps, ces délais ne sont pas infinis", a mis en garde le ministre paraguayen des Affaires étrangères, Rubén Ramírez.
Ce dernier a rencontré vendredi ses homologues du bloc avant que les chefs d'Etat ne se retrouvent samedi.
Malgré le report, Mme von der Leyen s'est dite "confiante" sur la possibilité d'une signature en janvier de cet accord négocié depuis plus de 25 ans, qui prévoit la création de la plus grande zone de libre-échange au monde.
Il permettrait aux européens d'exporter davantage de véhicules, machines, vins et spiritueux en Amérique du Sud. Dans le sens inverse, il faciliterait l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel et soja sud-américains, ce qui alarme les filières concernées.
Une source au sein de la Commission européenne et deux diplomates ont indiqué que la nouvelle échéance visée est désormais le 12 janvier au Paraguay, confirmant une information du média spécialisé Euractiv.
- Colère -
Le gouvernement allemand, l'un des plus favorables au traité, a jugé vendredi que la signature était acquise.
Mais le président français Emmanuel Macron a jugé qu'il était "trop tôt" pour dire s'il acceptera la signature en janvier.
"Je l'espère, parce que ça veut dire qu'on aura obtenu des avancées pour certaines qui seront des avancées historiques", a-t-il ajouté.
Le report a été annoncé en marge d'un sommet européen à Bruxelles où des milliers d'agriculteurs sont venus faire entendre leur colère, avec pneus en feu, jets de pommes de terre et de projectiles auxquels ont répondu des canons à eau et des tirs de gaz lacrymogènes de la police.
En France, première puissance agricole en Europe où le secteur traverse une grave crise multiforme, le syndicat FNSEA a appelé ses adhérents à rester mobilisés, car "le Mercosur, c'est toujours NON!".
Vendredi, des dizaines d'agriculteurs ont manifesté devant la villa de M. Macron au Touquet (nord), déversant des tonnes de fumier, de pneus et de branchages à l'entrée de la résidence.
- "Patience" -
Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva avait mis un point d'honneur à ce que le traité soit signé dans son pays, qui assure cette année la présidence tournante du Mercosur.
Il s'est résolu à un report, expliquant jeudi que la Première ministre italienne, Giorgia Meloni, lui avait demandé de la "patience" lors d'un échange téléphonique.
"Si ce n'est pas possible de le signer maintenant car ils ne sont pas prêts, je ne peux rien y faire", a-t-il déploré, soulignant que la signature de l'accord serait "importante pour la défense du multilatéralisme".
Des "clauses de sauvegarde" sont prévues en cas de déstabilisation des marchés agricole, mais "dans l'opinion publique française, il y a des choses dépassant le rationnel qui empêchent la signature" de l'accord, a dit à l'AFP une source gouvernementale brésilienne.
La réunion du Mercosur sera par ailleurs marquée samedi par la présence du président argentin, l'ultra-libéral Javier Milei, aux antipodes de Lula sur l'échiquier politique.
Des divergences exacerbées cette semaine par une publication de M. Milei sur Instagram qui a suscité la polémique: on y voit une carte d'Amérique du Sud représentant le Brésil et d'autres pays gouvernés par la gauche comme une énorme favela et l'Argentine comme un pays futuriste, tout comme le Chili, qui vient de basculer à l'extrême droite.
Z.Huang--ThChM